« AUGIER Nora, AUGIER Nuta, FINKENSTEIN Maurice, FURMANSKI David, KAMINSKY Adolphe, KAMINSKY Paul, KAMINSKY Pauline, KAMINSKY Salomon : Auschwitz ? disparu(e)s. »
Ces huit noms sont cités dans l’un des ouvrages de référence sur l’histoire de Vire pendant la Seconde Guerre mondiale, Vire se souvient…*
Si, de fait, la ville « se souvient » de cette période dramatique, il reste que cette mémoire a une double dimension, à la fois évolutive et sélective. De 1945 jusqu’au début des années 1970, tout l’élan mémoriel se porte en effet sur les victimes civiles des bombardements du 6 juin 1944 et sur la Résistance. Depuis les années 1990 et jusqu’à ce jour, c’est la mémoire des vétérans américains qui prend le relais : l’ambivalence d’une libération dans la destruction a semble-t-il été dépassée.
La liste des déportés politiques est établie dès la fin de l’année 1945 ; celle des cinq cents Virois morts sous les bombes alliées, durant la bataille de Normandie ou en déportation est clause en 1958. Sur l’histoire des Juifs de Vire, sur les déportés raciaux : rien. Rien en dehors de ces lignes lacunaires. A Montchamp, sur le principal monument mémorial du bocage inauguré en 1953 par le général de Gaulle, le nom d’aucun déporté juif ne figure parmi les soixante « patriotes victimes des nazis ». Il ne reste qu’un point d’interrogation dans l’ouvrage cité plus haut et cette mention : « disparu ».
Il faut attendre l’ouvrage essentiel d’Yves Lecouturier (Shoah en Normandie, Cheminements, 2004) pour en savoir davantage sur le sort des Juifs de Vire : on apprend qu’ils sont d’origine polonaise, bulgare ou argentine ; on apprend aussi qu’une partie d’entre eux a échappé à la déportation : c’est le cas d’Adolfo Kaminsky, qui entre en résistance en janvier 1944 et devient un expert dans la fabrication de faux-papiers. Il reste qu’à l’échelle locale, la question des persécutions antijuives est restée enfouie, inerte sur le plan de la mémoire. Il est très révélateur de découvrir dans les archives municipales que quatre Juifs déportés à Auschwitz sont cités dans la liste officielle des Virois « morts pour la France » établie en 1958. Conformément aux représentations et aux conceptions juridiques de l’après-guerre, ceux-ci sont cités comme « déportés politiques », avec un patronyme mal orthographié pour trois d’entre eux de surcroît…
Le point de départ de ce projet gravite donc autour de deux questions : qui sont ces Juifs arrêtés entre le printemps 1942 et l’automne 1943 dans les faubourgs de la ville ? Pourquoi ce silence depuis 1945 jusqu’à aujourd’hui ? C’est à partir de ce questionnement et en cheminant, de Neuville à Auschwitz, de Vire à Lublin, que nous avons tenté de reconstituer leur itinéraire…
* 1939-1956 Vire se souvient…, édition de la Section cartophile de l’Association des Collectionneurs Virois, 1993, p. 96.
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