A l’école, nous avons étudié le sujet. J’ai aussi participé à un groupe qui est allé en Pologne visiter les camps. De même, durant mon service militaire, en tant que responsable culturelle, j’ai eu l’occasion d’organiser des cérémonies en souvenir de la Shoah. La première fois que j’ai approché le sujet d’une façon directe touchant à ma famille, fut lorsque j’ai préparé pour l’école une étude sur mes racines à l’âge de 12 ans. Je me souviens que j’étais très émue et même un peu étonnée lorsque j’ai entendu les récits de mes deux grands-parents d’une façon détaillée pour la première fois. Je me souviens que cela n’a pas été facile des deux côtés, et j’ai commencé à les voir d’une façon un peu différente qu’auparavant.
Mes sentiments et sensations sont multiples et trop forts pour pouvoir être exprimés par écrit. Mais mon impression la plus forte est qu’il est interdit d’oublier. Il faut perpétuer le souvenir de la Shoah, s’en souvenir à jamais, le rappeler, se documenter, témoigner et le faire entendre de toutes les façons possibles. Mon lien familial avec la Shoah m’a poussée à m’intéresser au sujet, à l’approfondir, bien que je suis certaine d’être loin de tout savoir, tant du point de vue historique général, que spécifiquement sur ce qui touche mes grands-parents.
Ce passé a de nombreuses significations. Il a deux faces à mes yeux. La Shoah est un malheur, dans toute dimension, possible et il est interdit que cela se reproduise à nouveau chez aucun peuple. Lorsque j’essaie d’imaginer mes grands-parent dans cette période, cela est presque impossible à mes yeux. Il est même difficile de lier les deux personnes gaies et optimistes que je connais aujourd’hui avec les horreurs qu’ils ont connues à cette époque. Lorsque je pense à ce sujet, se pose aussi en moi la question : où aurais-je été si cela n’avait pas eu lieu? Est-ce qu’à tout prix le sort aurait fait rencontrer mes grands-parents et créé notre lignée familiale, qui est une fierté à mes yeux et certainement aux leurs ?
De même, du coté national se pose la question suivante : le peuple juif se serait-il levé pour fonder un pays indépendant ? La Shoah fait partie intégrante de l’identité du peuple juif et de son histoire. C’est pourquoi il est si important de continuer à l’étudier, d’autant que, malheureusement, la génération de la Shoah s’en va et disparaît.
Je sens que le sujet de la Shoah n’est pas tellement présent dans les discussions familiales, mais il n’est pas tabou. Je suppose que la plupart des choses nous sont connues (par le biais de conversations personnelles, des recherches des racines à l’école, des rencontres etc…) mais le sujet n’est rappelé que rarement en famille. Lors de mes visites chez mes grands-parents, je sais que le passé est une part inséparable de leur vie. Ils s’intéressent toujours à la culture française, par la langue française qu’ils parlent toujours entre eux, par la lecture, la télé et également les liens avec la famille et les amis restés en France. Dans le cadre de ses occupations, mon grand-père a filmé les témoignages des anciens du kibboutz sur leur vie et sur leur passé. Ce qui prouve sa volonté d’ouverture, son souhait d’en parler et de faire raconter aux autres leur histoire.
Je ne sais pas comment serait le présent sans le passé et ses influences, mais toujours est-il que, lorsque je pense à ce sujet, monte en moi une grande estime envers mes grands-parents, envers ce qu’ils ont vécu dans leur jeunesse et envers les personnes qu’ils sont aujourd’hui. Et je suis heureuse que la famille aimante qu’ils ont fondée se perpétue et continue à triompher.
Amit AMAR (petite-fille de Pauline KAMINSKY) le 8 août 2011
Texte traduit de l’hébreu par Pauline Kaminsky