Le temps de voir que nous n’y sommes plus… et c’est comme si cela ne s’était jamais passé. Comme si on n’y était jamais allé, comme si cela n’existait pas. Parce que c’est juste incroyable. On en entend tellement parler, partout. Personne n’ignore l’histoire et pourtant personne ne peut savoir. Et une fois que l’on est dedans, on ne se rend même pas compte de nos pas qui foulent cette allée, que jadis ils ont traversée, eux qui n’avaient rien demandé et qui n’étaient là que parce qu’ils y étaient forcés, sans savoir où cela les mènerait. C’était presque irrationnel, invraisemblable et j’avais beau me le répéter des centaines de fois, je n’arrivais toujours pas à y croire. C’est un lieu qui même empli des éclats de voix est empreint d’une tristesse sans précédent, d’une atmosphère pesante et qui sert le cœur à chaque regard. Un environnement vraiment surnaturel. On en sort bouleversé, le souffle coupé, la tête pleine d’informations que jamais je n’oublierai. Là-bas, il y a l’Histoire mais avant tout l’histoire, celle qu’on nous raconte depuis que l’on est au collège, et qui ne peut pas laisser insensible celui qui l’entend. Et se retrouver en plein dedans relève à la fois du rêve et du cauchemar. Une fois que l’on y est, c’est comme si le temps se figeait ; plus rien n’existe autour c’est une bulle d’horreur que nous avons traversée et qui restera à jamais dans nos mémoires. Parce que le plus dur, c’est après, de se dire : « Je suis allée à Auschwitz, est-ce que tu te rends compte ? J’ai vu la peine de mes propres yeux ; j’ai marché près de cette voie ferrée et touché de mes doigts ces bâtisses dans lesquelles ils vivaient ».
Maintenant, je raconte cela en ayant les mains qui tremblent. Et c’est dur de se dire qu’un tel cauchemar ait pu être une réalité, un jour. Pour eux, il ne faut pas oublier, ne pas oublier ce que l’Homme est capable de faire, ne pas oublier que la paix n’existait plus et qu’ils en ont payé le prix. C’est pour eux que nous y sommes allés. Auschwitz est un refuge de la mémoire, celle que nous devons faire perdurer pour ne pas oublier la souffrance, l’inhumanité dérisoire et pour se rendre compte que nous sommes en vie, avec nos amis, notre famille et que rien n’est plus beau que cela. C’est l’incontournable leçon de morale qu’il faudrait transmettre à chaque individu.
Perrine Fromentin