La Shoah est une réalité pour les contemporains qui ont subi les mesures de persécutions antisémites durant la guerre. Pour les autres, c’est un concept abstrait. Un concept des plus difficiles à appréhender. On tente de le faire partiellement par le biais des écrits, en écoutant la parole des témoins ou en s’appropriant des images.
Ce processus est complexe ; il est plus ou moins conscient. Il peut aussi avoir des effets déformants sur la réalité historique que l’on tente de reconstituer. L’impact des images mentales ou iconographiée est peut-être le plus fort. D’un côté, une image (celle des barbelés, celle des miradors, celle des wagons…) peut instantanément marquer l’esprit par sa violence ou par sa force évocatrice. De l’autre, il existe à propos du génocide juif des « images références », plus ou moins admises comme représentatives de cet « évènement ». Ces images symboles posent pourtant problème. On leur attribue facilement une signification erronée. L’exemple le plus abouti est certainement l’image des milliers de fois reproduite de l’entrée du camp d’Auschwitz I, surmontée de l’adage nazi « Arbeit macht frei ». On convoque ce cliché en permanence à propos de la Shoah, alors qu’il ne renvoie en rien à la logique génocidaire : les Juifs exterminés de façon systématique à partir du printemps 1942 n’ont pas franchi cette porte. Cette devise, empruntée au camp de Dachau et Sachsenhausen, est d’abord et avant tout ancrée dans la logique concentrationnaire.
Les images de la Shoah ne vont donc pas de soi. Les construire, les façonner, les articuler… c’est peut-être déjà leur donner une fonction : des images pour concevoir et pas seulement pour voir…