Une famille polonaise qui menait une vie paisible…
La mère, Rivka KONSTABLER(1), épouse Goldnadel, est née en 1907 à Varsovie. Elle est la seule de la famille à être déportée. Juive de nationalité polonaise, âgée de 35 ans, elle est arrêtée par les autorités d’occupation le 14 Juillet 1942 dans des circonstances peu précises. On sait juste qu’elle est arrêtée le même jour que Raphaël et Rywka Augier. Après avoir été transférée au camp d’internement de Pithiviers le 17 juillet, elle est déportée par le convoi n°14 le 3 août 1942. Ce convoi se compose de 1034 déportés, 482 seront gazés immédiatement après leur arrivée à Auschwitz, sans passer par le camp. 564 personnes seront sélectionnées dont 22 hommes et 542 femmes. De ce convoi, seules six personnes ont survécu en 1945 : trois hommes et trois femmes. Comme les membres de la famille Augier, Rivka apparaît dans la liste officielle des Virois morts pendant la guerre comme « déportée politique » (voir la fin de l’article Prologue… ou épilogue ? Les mémoires de la Seconde Guerre mondiale à Vire). Par contre, c’est la seule dont le décès est attesté précisément (le 7 août 1942).
Rivka était l’épouse de Ber Goldnadel(2), né le 27 février 1904 à Varsovie et de nationalité polonaise lui aussi. Il n’a lui en revanche pas été déporté. Arrivé en France en 1930, il est désigné comme « marchand ambulant » dans les documents de recensement. Les époux Goldnadel possèdent en fait un magasin de vêtements (3) qui s’appelle « Au chic de Paris ». D’après les documents retrouvés aux archives départementales, ce commerce, qui est directement concerné par les mesures d’aryanisation économique lancées à l’hiver 1940, est vendu au début de l’année 1941 à un cultivateur de Maisoncelles-la-Jourdan pour le compte de sa fille, vendeuse en confection : « une vieille famille aryenne du pays, sans une goutte de sang juif dans les veines », d’après le commissaire-gérant chargé de la cession. En février 1941, dans une correspondance du Commissariat de Police de Vire datée du 27 mars 1941, on signale le départ de Ber Goldnadel à Paris (avec une adresse a priori connue des autorités locales) . Cependant, étant « tuberculeux »(4), il est interné par la suite au sanatorium de Dreux (5). On peut donc penser que c’est grâce à cela qu’il échappe aux arrestations. De retour à Vire après la guerre, il se remarie et rouvre son magasin sous la même appellation : d’abord sur le champ de foire – une baraque à l’emplacement n°20 – puis plus tard au 25 rue Chaussée.
Jacques Goldnadel(6), leur fils, est né quand à lui à Paris, le 24 octobre 1933. Comme son père, il est signalé sur une liste d’otages potentiels à arrêter, établie par la Feldkommandantur à Caen au mois d’août 1941. Quand sa mère est arrêtée, il a huit ans et demi. Il échappe à cette arrestation grâce à Madeleine Lacroix, employée par le couple Goldnadel. La jeune femme (âgée à l’époque de 31 ans) prend la fuite, se fait passer pour sa mère et parvient à placer le petit garçon en lieu sûr dans l’Orne, puis plus tard dans la Creuse (7). En 1992, Jacques Goldnadel a fait une démarche auprès de Yad Vachem pour signaler l’histoire de sa mère, afin que sa mémoire soit respectée. Il vit aujourd’hui en Israël. Son ange gardien (Mme Lacroix, épouse Herbert) a fêté ses cent à Vire le 10 mars 2011. Le titre de « Juste parmi les Nations » a été solennellement donné à Madeleine le 13 novembre 2011 à titre posthume, au cours d’une cérémonie très digne et remplie d’émotion.
Valentin Guérin et Marion Lechevallier
1. Au centre sur la photo de la famille
2. A gauche sur la photo de la famille.
3. D’abord mobile, ce magasin est installé ensuite au n°17 de la rue Chaussée à Vire.
4. Selon une correspondance du préfet du Calvados datée du 3 février 1942.
5. D’après une fiche individuelle établie à son nom par les autorités françaises en avril-mai 1943.
6. Le deuxième garçon en partant de la droite sur la photo de la famille.
7. Ces informations, ainsi que les photos, nous ont été données par la fille de Mme Herbert, Mme Rivoallan.