La famille Schwartz-Levy se compose de cinq membres : les parents Schwartz et le couple Levy avec leur fille. Le père, Albert Schwartz, est né à Paris en 1878. Sa femme, Célina, est née également à Paris en 1881. Leur fille, Madeleine, naît quant à elle à Vire. Sa date de naissance reste ambiguë : le 28 février 1903 si l’on tient compte de sa fiche de recensement établie en octobre 1940 ou bien en 1905, si l’on considère la liste nominative de 1936. Elle épouse Paul Levy, né le 8 octobre 1891 à Rouen. Tous deux donnent naissance à leur fille Simone le 20 août 1927 à Rouen. Tous ont la nationalité française.
En 1902, Albert Schwartz fonde son commerce au 11 rue du Calvados, un magasin de vêtements appelé « A la Belle Jardinière ». En 1905, « A la Belle Jardinière » devient « Aux deux nègres », suite à la réclamation d’un magasin parisien portant la même enseigne. Cette nouvelle appellation s’inspire du commerce fondé par deux beaux-frères d’Albert, l’un au Havre et l’autre à Rouen. Dans l’entre-deux guerres, le magasin est l’un des plus importants à Vire. Il comprend plusieurs employés, dont Salomon Kaminsky en tant qu’apiéceur.
D’après Pierre Lemaître, un employé puis le successeur du propriétaire, Paul Levy perçoit la nécessité imminente de partir lorsqu’il reçoit une convocation de la Kommandantur, justement installée dans les appartements au-dessus du magasin, où il retrouve Abraham Drucker et peut-être d’autres israélites de Vire. Il prépare alors son départ sans doute dès fin 1940. Les mesures d’aryanisation économique qui s’amorcent en décembre de la même année l’obligent à vendre son magasin à M. Claudel, propriétaire de « La Maison des Abeilles » à Rouen. La transaction est connue des autorités locales. En effet, conformément aux ordonnances allemandes et françaises, un commissaire-gérant (un expert-comptable de Vire) est nommé le 23 décembre 1940 pour mener l’aryanisation de l’entreprise. Une note du 9 février 1942 rédigée par le Commissaire de Police de Vire et adressée au Préfet indique que « le sujet israélite LEVY Paul a quitté Vire le 17 décembre 1941, déclarant se rendre à Rouen.» Cette dernière destination demeure incertaine pour les autorités. De fait, la famille Levy réside en Corrèze le temps que dure la guerre. Les Schwartz, quant à eux, sont partis à Menton, où ils restent après 1945.
Il est probable que Paul Levy ait conclu un accord tacite avec Claudel lors de la cession en 1941, puisqu’il récupère son magasin après la guerre et reprend ses activités à Vire.