La parole des témoins est devenue un biais essentiel dans la (re)découverte de l’histoire de la Shoah depuis le procès Barbie en France en 1987, un peu plus tôt en Israël où la rupture s’amorce dans une large mesure avec le procès Eichmann en 1961. Cette parole est par la même occasion devenue le vecteur de transmission majeur de la mémoire du génocide des Juifs d’Europe. En s’affirmant, elle a aussi posé de nouvelles questions sur le rapport entre histoire, savoir et témoignage(1).
Pour étudier l’histoire des persécutions contre les Juifs de Vire, le récit des contemporains joue un rôle cardinal. Au-delà du cadre émotionnel dans lequel ils s’inscrivent, ces témoins permettent en effet de dépasser l’aridité des sources administratives, leur caractère bureaucratique et froid. Nous ne disposons pas par ailleurs des rapports des autorités d’occupation sur la planification et les modalités des arrestations opérées à Vire. Tout ce qui a été vu, vécu, perçu lors de ces moments tragiques et que les témoins rapportent constitue donc une source unique. Les trajectoires individuelles qui se dessinent dans ces récits permettent enfin d’entrer par la petite porte dans l’histoire globale de la Shoah : c’est cette histoire « au ras du sol » qui donne encore une fois consistance au concept de génocide.
Note :
1. Cf. Annette WIEVIORKA, L’ère du témoin, Paris, Plon, 1998, 189 p., rééd. Hachette Littérature, 2002, 190 p.