Abraham DRUCKER est la première personne à être arrêté au printemps 1942. Son parcours à partir de cet instant est bien connu car il a déposé en 1946 un témoignage dactylographié mis à disposition des tribunaux alliés en Allemagne. Ce document essentiel permet de revenir notamment sur la brutalisation omniprésente dans les camps d’internement et dans le camp de transit de Drancy. C’est sur ce dernier que le long extrait sélectionné ici se rapporte.
[...] Le 24 /5/1943, nous avons été amenés à la gare de Compiègne et embarqués dans un wagon à bestiaux, plombé, escortés par des gendarmes français, gardes-mobiles vers une destination inconnue. Après 18 H de voyage, nous sommes arrivés à Drancy. J’ai séjourné à Drancy jusqu’au 18/8/44, date de la libération, grâce à l’arrivée des Alliés.
Jusqu’en Juin 1943, ce camp a été commandé par la Police Judiciaire de Paris, et gardé par ces gendarmes. A notre arrivée au camp, il y avait environs 2000 Juifs ; depuis quelques temps, 2 mois environs, aucune déportation n’avait eu lieu. Nous avions été affectés à l’escalier « 6 », 4ème étage ; nous étions dans une chambre, les uns sur les autres, sur des paillasses pleines de vermine ; il y avait dans le camp des femmes, des enfants, des vieillards. Nous avons appris la bien des choses horribles qui se sont passées avant notre arrivée ; de nombreuses déportations et, surtout, une déportation de 800 enfants, séparés de leurs parents. A cette époque de notre arrivée, les détenus recevaient des colis et pouvaient même correspondre avec leur famille ; il y avait une infirmerie bien montée ; il ne manquait pas de médicament, il y avait des douches. Les chambrées, par contre, étaient infectes ; un médecin français, du nom de Dr. Brocard, désigné par la Préfecture, assumait la responsabilité de cette infirmerie, et une trentaine de médecins juifs internés soignait les détenus. Des malades graves pouvaient être évacués sur l’hôpital Rothschild de Paris, où ils étaient gardés par la police française. Certains Juif furent même libérés à cette époque, mais c’était rare. Les gendarmes, par contre, étaient souvent brutaux, notamment un nommé Vanes et le capitaine Vieux ; presque tous les gendarmes faisaient du marché noir avec les détenus ; nous avions l’impression, à notre arrivée que la vie y était plus supportable, par rapport à l’année 1941/42.
Mais, très vite, vers mi-juin, un changement important se produisit à Drancy par l’arrivée d’une équipe de S.D. ayant à leur tête le capitaine Brunner, et qui prenait le commandement effectif du camp, en mettant la police judiciaire française à la porte, tout en conservant les gendarmes pour la garde. L’entrée au camp de ces 4 tortionnaires s’est manifestée par des coups de feu, des coups de poings, des coups de pieds, et a fait régner dès le début une véritable terreur. Le camp fut réorganisé par leur soins, par la création d’un kommando de travailleurs du camp, comportant les corvées, l’infirmerie, cuisine, lingerie ; bureau des effectifs, création d’une police du camp composée par des détenus responsables devant les Allemands de la discipline et de la tenu du camp. Colis et courrier furent supprimés. L’hygiène du camp fut améliorée, créant, ainsi, une façade de propreté, en somme un petit ghetto moderne. A partir de ce moment, les arrestations reprenaient dans toute la France et, avec elles, les déportations par convois de 1000.
Plusieurs catégories de Juifs furent créées par leurs soins : Juifs A, Juifs B, Juifs C. Tout Juifs détenu ou arrivé au camp a été soumis à l’interrogatoire brutal par le Capitaine Brunner ou ses acolytes, un fichier établi – et les Juifs mariés à une non-juive, dits : conjoints d’aryennes, ou inversement, ont été classés Juifs « A » non déportables à l’Est, mais déportables à l’Ouest, ou utilisés comme travailleurs dans un kommando à Paris (Lévitan, gare d’Austerlitz) travailleurs à l’expédition des biens volés aux Juifs à Paris ou ailleurs, ou, en dernier lieu, utilisés aux travaux dans le camp de Drancy même. Les Juifs « B », placés Juifs 100%, ont été déportables à l’Est, à coup sûr ; les Juifs « C » étaient les Juifs faisant partie des travailleurs du camp : cuisinier, menuisier, peintre, tailleurs, cordonniers, médecins, infirmiers, corvées générales, bureaux, interprètes, police – environs 400 personnes. Avant chaque déportation, comme d’ailleurs pour chaque catégorie, un triage était effectué et en dernier lieu, la sécurité n’existait dans aucune des catégories.
Pour tout manquement à la discipline ou au règlement où tout était interdit, des sanctions collectives ont été prises et les travailleurs du camp, en premier lieu subissaient les conséquences. Par exemple, pour une évasion 20 -30 ou 50 de la catégorie C, ont été déportés par mesure de représailles. Dans le camp, il y avait une prison dans la cave (bunker) où les détenus punis, souvent pour une futilité (lettres clandestines, tentative d’évasion), ont été mis nus, privés de nourriture, frappés et souvent arrosés d’eau froide pour la nuit. Ou bien, une autre punition consistait à faire ramper les détenus, à plat ventre, sur le coude, sur 100 mètres, en les frappant avec des gourdins. Souvent ils tiraient un coup de feu dans la cuisse ou dans les pieds, et déporté dans cet état. Ils améliorèrent l’infirmerie en faisant peindre des locaux, en installant un appareil de radio, nous demandaient de présenter avant la déportation des listes de malades non transportables, les acceptaient en totalité ou refusaient un grand tuberculeux et éliminaient de la déportation un malade atteint tout simplement de la gale. Ils faisaient des visites alors qu’aucun d’eux n’avaient des notions de médecine, et décidaient sur la vue et sur la gravité du cas. Ou bien faisaient partir tous les grabataires, impotents, maladies contagieuses, diphtériques, scarlatine, femmes enceintes ou accouchées de la veille. Livrés au bon vouloir des brutes, ils laissaient planer sur notre existence l’angoisse, la terreur, l’incertitude et le mystère.
Personne ne savait où on partait et pourquoi on partait. Le mensonge et l’hypocrisie de leurs part était la règle. Et le mépris pour la vie d’un juif se manifestait dans tous leurs actes. A la première déportation faite par les soins du capitaine (illisible) au matin , les malheureux ( désignés après un appel et une fouille qui a duré toute une journée, ont été embarqués, vers la gare de Bobigny, à coup de crosse, à coup de bottes ; ils ont exigé que la police juive du camp s’occupe désormais de tous les préparatifs que comportait la déportation, afin d’éviter, comme ils disaient, des incidents inévitables, car nous ne connaissions pas la discipline allemande. De sorte que tout le travail intérieur du camp était effectué par les détenus mêmes ; ceci avait un côté bienfaisant, car les camarades chargés de s’occuper de la tenue du camp, pouvaient rendre de grand services, et alléger les souffrances de nombreux détenus. Mais, d’un autre côté, cette mesure prises par les Allemands, créait souvent des antagonismes entre les détenus, à savoir, en dernier lieu, ceux qui travaillaient au camp avaient la possibilité de s’accrocher au camp et ceux qui partaient, notamment la catégorie B. Donc, à partir de Juin 1943, le camp de Drancy n’était plus un camp d’internement mais une véritable gare de triage, destinée à déporter les Juifs vers une destination mystérieuse. Les Allemands disaient pour travailler, sans, toutefois, nous expliquer la raison de la déportation, des enfants, des vieillards et des malades.
Le 13/9/43, j’étais amené – avec 2 camarades – de force par un groupe de S.D, armés, comprenant 12 S.D de différents grades, que nous n’avions jamais vus au camp, sans aucune explication, à la gare de Lyon à Paris et embarqués, sans escorte, à Nice, après nous avoir enfermés pendant 24 H dans une cellule de la prison de Marseille et, le 15/9 nous arrivâmes à Nice et, à la gare trouvâmes le capitaine BRUNNER et son second, BRUCKLER, qui avaient disparu du camp de Drancy depuis une quinzaine de jours. Nous fumes dirigés et enfermés à l’hôtel Excelsior à Nice, et le capitaine BRUNNER me donna l’ordre d’organiser une infirmerie sur le modèle de Drancy, et de m’occuper de mes camardes internés, malades ou blessés. L’équipe de S.D. en uniforme et armée, ainsi que BRUNNER et BRUCKLER, se sont habillés en civils, et cet hôtel a été dénommé par eux « camp de recensement des Juifs arrêtés, dépendant du camp de Drancy. »
Pendant les 3 mois que j’ai été détenu à l’Excelsior, j’ai été témoin et victime d’une terreur et d’atrocités effroyables ; cette équipe comprenait 12 à 14 tortionnaires, sous le commandement de BRUNNER, procédait à des arrestations d’hommes, de femmes et d’enfant juifs, pour la plupart du temps effectuées la nuit, subissant tous des interrogatoires interminables, sous la menace du revolver et souvent brutalement frappés, afin d’avouer la qualité (les Juifs, et d’indiquer l’adresse des parents, maris, enfants, frères, etc…). Parmi les arrêtés, il y avait des malades, des infirmes, des vieillards, des nourrissons, des femmes enceintes, et tous subissaient les violences et les tortures de ces brutes; la plupart furent cueillis dans leur lit et amenés en vêtements de nuit, grelottant de peur et de froid. Jour et nuit, le plus grand nombre des arrêtés nécessitaient des soins médicaux, pansements de blessures, par balles cuisse, jambe, fesses, coupures du cuir chevelu, décollement d’une oreille par la crosse du revolver, hématomes et ecchymoses multiples sur tout le corps, dents cassées, lèvres fendues, écorchures de la face, côtes brisées, entorses, etc…
Toutes ces violences ont été exécutées par toute l’équipe, sans, toutefois, que je puisse énoncer l’auteur de telle ou telle blessure ; néanmoins, je puis donner des précisions sur quelques cas particulièrement graves dont j’ai été le médecin traitant.
1) Les cas du camarade ROZ (Dr. ROSENBAUM), dont la véritable identité m’a été révélée par la doctoresse SPIEGEL ; au mois de Novembre 1943, sans pouvoir préciser la date, un homme sans connaissance a été amené à l’Excelsior et dirigé sur l’infirmerie (chambre d’hôtel) ; cet homme était couvert d’ecchymoses sur tout le corps, respirait à peine, présentait un pouls imperceptible ; extrémités froides, en état de choc. La Doctoresse SPIEGEL et moi, faisions des efforts désespérés pour le ranimer (injections de caféine, huile camphrés, boissons et bouillottes chaudes). Presque toute la nuit, ce camarade blessé a été entre la vie et la mort. Quand il a repris un peu connaissance, il nous a demandé désespérément de lui faire des piqûres afin de l’achever, car il avait peur d’être soumis à nouveau à ces interrogatoires terribles, et que la souffrance lui laissât échapper un aveu. Le lendemain, les bourreaux sont venus le chercher et nous avons appris, par la suite, qu’il avait été interrogé à l’Ermitage, siège de la Gestapo et ramené ensuite, le soir, dans un état lamentable, enfermé au 4° étage, ficelé sur son lit avec interdiction de lui donner quoi que ce soit ; la nuit, la Doctoresse SPIEGEL et moi, avons réussi à pénétrer dans cette chambre, afin de lui porter secours ; il nous a implorés fraternellement de lui administrer des piqûres pour en finir, car sa résistance physique était à bout ; il avait peur de ne plus pouvoir tenir ; j’ai essayé de le remonter, lui ai demandé de tenir coûte que coûte, espérant que ses bourreaux allaient se lasser devant sa ténacité et son courage ; je l’ai quitté pour aller voir d’autre malade lorsque, tout à coup j’ai entendu un cris. Nous nous sommes précipités, à la porte où se trouvait le camarade ROZ, nous avons trouvé la fenêtre ouverte, et avons réalisé l’horrible tragédie qui venait de se passer. Nous nous sommes dirigés vers la cours où notre malheureux camarade gisait sans connaissance, avec de multiples fractures : aidés de 2 camarades, nous l’avons monté dans une chambre ; il respirait encore ; son état était extrêmement grave. La première chose que les bourreaux dirent à la Doctoresse SPIEGEL et à moi, fut : « soignez-le à tout prix, il faut qu’il vive ; nous voulons qu’il parle » ; nous avons veillé notre camarade une partie de la nuit et , vers le matin, sans avoir repris connaissance, il est mort. L’Allemand qui l’a monté et ficelé dans sa chambre et qui nous a tenus les propos susmentionnés, était le nommé ULLMANN 35 /37 ans, grand, fort, brun (hauptscharführer) ; c’est lui, sous l’autorité du capitaine BRUNNER, qui commandait l’Excelsior.
2) Le cas du camarade BERTRAND, probablement fausse carte d’identité ; fin Novembre, début Décembre 1943, ce camarade a été amené également sans connaissance, autant que je me souvienne arrêté sur le marché, car il portait un sac à provisions ; il portait de multiples ecchymoses et a très vite présenté des signes d’hémorragie méningée ; lui ayant donné à boire, il a commencé à vomir et est resté dans le coma; une fracture de crâne avec tous les signes cliniques, paraissait être la cause de son état. Pendant 8 jours, j’ai supplié le capitaine BRUNNER d’accorder l’évacuation à l’hôpital de ce blessé afin de tenter une opération, et brutalement il a chaque fois refusé, en disant « Pas avant qu’il ait parlé » ; il est même venu dans la chambre voir le malade, et l’impossibilité dans laquelle il se trouvait de parler, étant dans le coma. BRUNNER répondait : « c’est un simulateur, il faut qu’il parle » ; le camarade BERTRAND est mort des suites de ses blessures à l’EXCELSIOR ; décès d’ailleurs constaté par le Dr. MAZEL de Nice. La Doctoresse SPIEGEL doit connaître la véritable identité du camarade BERTRAND.
3) le cas du camarade PRINCE ; amené à l’ Excelsior en Septembre 1943, mutilé de guerre 1914/18, atteint de tuberculose pulmonaire grave ; pendant 15 jours, j’ai supplié l’adjudant ULIMANN d’accorder l’évacuation de ce malade à l’hôpital, étant intransportable ; refus ; ce camarade a été emmené à Drancy où il est mort à son arrivée.
4) le cas du camarade JACOBI, préparateur dans une pharmacie de Nice ; il était interdit aux internés d’approcher des fenêtres ; le camarade JACOBI ayant oublié cette consigne, a été tué par un coup de fusil dans la nuque, tiré par une sentinelle de S.S qui gardait l’Excelsior ; décès par blessure, également constaté par un médecin légiste de Nice.
5) le cas d’un vieillard arrêté la nuit avec sa femme, mort d’une syncope cardiaque dans le hall de l’hôtel ; je ne me souviens pas des S.DS qui avaient arrêtés cet homme. Dans cet enfer dantesque, pendant le 3 mois que j’y ai passés, je n’ai malheureusement pas retenu tout, mais tout n’était qu’assassinat, coups, brutalités, cris et larmes des internés.
6) le cas de Georges SPOLIANSKY ; ce camarade a été amené à la même époque que le camarade ROSENBAUM, couvert de blessures et emmené ensuite probablement à l’Ermitage ; il n’est jamais revenu. D’ après ce que j’ai appris, ce camarade aurait été assassiné par les bourreaux de l’Ermitage.
Voici les noms de S.D. opérant à l’Excelsior qui, directement ou indirectement, ont tous commis des atrocités ; personnellement, j’ai vu brutaliser des camarades par :
1°) BRUNNER, grand responsable et commandant le groupe,
2°) VOGEL,
3°) BRUCKLER, particulièrement féroce,
4°) ULLMASS
5°) BILARTZ, adjudant-chef, portant des lunettes, procédait à des arrestations et interrogatoires ; celui-ci, personnellement, je ne l’ai j’ai vu frapper.
6°) ZITTER (Oberscharführer), taille moyenne, blond cheveux en brosse, râblé, trapu, particulièrement féroce, fanatique, l’ayant vu frapper beaucoup d’internés.
7°) GORBING, taille moyenne, blond, expression plutôt douce, élégant, parlant poliment avec les internés, mais brutal dans l’action allant jusqu’au meurtre, d’après le dire de camarades, voué corps et âme à BRUNNER qu’il accompagnait souvent à Drancy; c’est GORBING à ma connaissance, lors d’une arrestation en ville, qui aurait tué une femme ou un enfant en tirant à travers la porte ; ceci s’est passé en 1944 à Paris.
J’ai oublié les noms des autres bandits de ce groupe ; toutefois, faciles à identifier par d’autres camarades actuellement à Nice et ayant été détenus a l’Excelsior ; la Doctoresse SPIEGEL, Mme BENOIST, Mme BORGER, M. PESSIS de Cannes, M. SEGUIN.
Le 16/12/43 j’ai été emmené sous escorte dans un convoi à Drancy, mais l’Excelsior a continué à fonctionner, et j’ai été remplacé comme médecin interné à ce maudit hôtel par le Dr. BORGER venant de Drancy, détenu à l’Excelsior et assassiné à Nice, d’après ce j’ai appris depuis la Libération. A partir de Décembre 1943, à mon retour au camp de Drancy, une vague d’arrestations a eu lieu dans le sud de la France et la plupart des Juifs arrivés au camp de Drancy venaient de Lyon, de Bordeaux, de Toulouse, et les déportations, avec les mêmes techniques, se succédaient. Parmi les Juifs arrivés au débuts 1944, on trouve beaucoup de résistants qui avaient déjà subi des tortures à Montluc ou d’autres prisons, et paraissaient avoir été signalés spécialement aux autorités du camp, car, dès leur arrivée, ils furent sauvagement frappés par les bourreaux BRUCKLER et enfermés dans la prison de camp ; au moment de la déportation, les Juifs résistants ou politiques, partirent enchaînés.
Vers l’été, les Allemands faisaient des efforts désespérés pour alimenter les déportations en Juifs, mais on voyait nettement qu’ils avaient fort à faire, car la Résistance s’organisait partout, et les bombardements sur les voies ferrées, effectués par les Alliés, leur créaient de grosses difficultés de transport. Ils réussirent quand même à faire partir un convoi en Juillet 1944 ; nous restions 1600 détenus au camp, y compris le kommando de la gare d’Austerlitz, de Lévitan et 100 personnes détenus à l’hôpital Rothschild. Vers le 15/8, ils commencèrent par faire entrer dans le camp de Drancy les kommandos susmentionnés, mais débordés, les bourreaux durent fuir le 17/8, non sans emmener 50 otages parmi lesquels se trouvaient M. KOHN, administrateur de l’hôpital Rothschild et sa famille ; ces otages devraient leur servir de couverture pour franchir les barrages de F.F.I stationnés à l’extérieur du camp.
Le 18/8/44, nous fûmes tous libérés.
Voici le signalement des S.D. Du camp de Drancy :
1) Aloïs BRUNNER, âgé de 30 ans environs (Hauptführer) petit, brun, nerveux, nez allongés et pointu, jambe légèrement arquées, dos légèrement voûté, parlant doucement, allure plutôt intellectuel et, d’après les échos, aurait été ingénieur-chimiste à GRAZ (Autriche). Ce BRUNNER était chargé de la répression contre les Juifs en France, et aurait acquis une certaine notoriété par ses méthodes machiavéliques et brutales en Europe Centrale ( Salonique – Autriche).
2) BRUCKLER, âgé de 35 ans environs (Hauptscharführer) , taille moyenne, brun , très large d’épaules, regard d’acier, grosse brute épaisse, surnommé le « boxeur », coup de poing particulièrement violent c’est le second de BRUNNER, originaire de Vienne.
3) WEISL, âgé de 35 ans environ (Oberscharführer) ; sergent ; blond, fluet, nerveux, voix aigüe, criarde, paraissant avoir une certaine instruction et une certaine intelligence, terriblement coléreux, frappant à tous les interrogatoires dont il était spécialement chargés ; aurait été employé de banque à Vienne ?
4) KOPPEL, âgé de 40 ans environ, caporal je crois, surnommé par les internés l’ « idiot du village ». Avait un rôle subalterne, surveillance garçon de courses et participait aux arrestations (blond).
Ces quatre individus dirigeaient le camp de Drancy, procédaient, aux arrestations, surtout la nuit, à Paris et dans les environs, et organisaient les déportations vers les camps d’extermination.
Source : témoignage écrit du Docteur Abraham DRUCKER daté du 15/02/1946. Archive du CDJC, cote CCXVI-66, 12 pages. Extrait cité dactylographié par Alban Poulin.