Arrêtés à Vire à l’automne 1943, internés à Drancy pendant plusieurs semaines, Adolfo Kaminsky et les siens étaient voués à subir le même sort que les Juifs de France persécutés. Échappant in extremis à la déportation, Adolfo entre dans la Résistance juive et entame ce qui va devenir une « vie de faussaire »…
Sarah Kaminsky est comédienne et écrivain. Son ouvrage, Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire (Paris, Calmann-Levy, 2009) retrace le parcours hors du commun de son père, depuis l’exil en France en 1930, jusqu’au début des années 1970, où il cesse ses activités militantes. Elle a travaillé pendant plusieurs mois sur l’adaptation de ce récit au théâtre. « La Ligne », mise en scène par Jean-Claude Falet (le créateur du Théâtre Label Étoile), a été représentée dans le sud-ouest de la France à l’automne 2011 et en 2012.
Grâce au soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, de la ville de Vire et du lycée Marie Curie, cette pièce a été jouée pour la première fois en Basse-Normandie les 21 et 22 janvier 2014 à la salle de la Halle. Qu’il s’agisse de la première représentation (organisée à l’attention d’élèves des lycées Marie Curie et Jean Mermoz) ou de la seconde (où les Virois se sont rendus en nombre), l’accueil du public fut à la hauteur de l’œuvre proposée par la compagnie Label Etoile !
C’est avec beaucoup d’émotion que nous avons vu défiler devant nos yeux la trajectoire d’Adolfo. Une vraie prouesse que le jeu des trois comédiens et l’habile mise en scène imaginée par Jean-Claude Falet rendent possible. C’est Mathieu Boulet qui endosse sur scène le rôle d’Adolfo, dont la personnalité se transforme depuis l’adolescence candide jusqu’à l’entrée en résistance. Jean-Claude Falet incarne lui les figures tutélaires : celle du père, Salomon, celle de Brancourt, le père spirituel, celle de Jean Bayer « le premier être cher arraché par la guerre » ou encore celle d’Henri Curiel, l’homme de l’ombre… Sarah enfin est tour à tour Sarah, Anna – sa grand-mère -, Mme Drawda – future victime de la Shoah -, un(e) gardien(ne) de Drancy, Suzie du laboratoire de la 6ème, Pauline la sœur d’Adolfo… assumant avec beaucoup de justesse les passages incessants entre la destinée familiale, intime, et l’Histoire « avec sa grande hache ».
On ne peut que souligner l’équilibre subtil de cette adaptation qui nous entraîne dans une aventure extraordinaire et tragique, tout en suscitant un questionnement profond sur le bien, le mal, l’engagement, la souffrance, la justice… La présence d’Adolfo, très ému devant les applaudissements nourris du public, a aussi fortement contribué à ce que le temps soit suspendu le temps d’un instant… Au final, c’est une belle leçon d’humanité qui a réuni les personnes présentes. Une « ligne » comme un trait d’union en somme…
Afin de prolonger la rencontre avec La Ligne, Hadrien Bichet a réalisé un documentaire en 2012 pour Label Etoile, Une vie de faussaire…