Mémoire concrète

Un an après notre premier voyage d’études à Lublin en 2013, retraçant le parcours de Dora, la mémoire virtuelle autour de ce passé prend une tournure concrète. A la suite du voyage, nous avions en effet eu l’idée de rendre hommage aux vingt personnes de Vire arrêtées dans le cadre des persécutions antisémites. Ainsi, nous avons confié la conception et la fabrication de douze plaques mémorielles à des élèves de seconde du lycée professionnel de Mermoz à Vire. Nous les avons créées en nous inspirant des traces mémorielles que l’on peut trouver à Lublin en Pologne, à l’image par exemple du lampadaire qui reste continuellement allumé, traces discrètes, mais fortes de signification… Sur ces plaques, un nom, une date et un sigle : « ZHR », l’acronyme de « Zakhor », signifiant « Souviens-toi » en hébreu. Elles sont aussi une référence aux « Stolpersteine », ces plaques berlinoises, qui jalonnent les trottoirs de la capitale en indiquant aux passants l’identité de familles juives habitant des lieux aujourd’hui disparus.

Le 22 janvier 2014 à 15h, commence la cérémonie d’inauguration des plaques mémorielles avec la pose de celle d’Adolfo Kaminsky et de son frère Angel dans le quartier de l’Écluse. Plusieurs personnalités sont réunies autour de nous : la sous-préfète, Monsieur le Maire, plusieurs élus… ainsi que la presse locale et les caméras de France 3 (1). Lors de son discours, M. Queruel insiste sur le sens profond de cette démarche et remercie toutes les personnes qui ont permis de réaliser ce projet. Suite à cela, Arthur et Élise, deux lycéens en terminale scientifique à Marie Curie, prennent à leur tour la parole, afin d’expliquer toutes les recherches que nous avons dû faire pour arriver à ce résultat et toutes les situations auxquelles nous avons dû faire face. Deux élèves du lycée Mermoz expriment leur implication dans ce projet et présentent la plaque à Adolfo. Ce dernier, très ému, prend la parole à son tour, afin d’exprimer ses sentiments sur le travail accompli. Ce discours, plein d’émotion, est filmé par plusieurs journalistes et retranscrit dans les journaux quelques jours plus tard. L’émotion n’est que plus grande lorsque Grégoire interprète un morceau au saxophone. Au bord de la Vire, un air d’Europe centrale flotte dans l’atmosphère… Sur le chemin du château Fortin, nous nous arrêtons, rue des Cordeliers, afin de poser la plaque de Pauline Kaminsky, la sœur d’Adolfo, arrêtée le 22 octobre 1943 à cet endroit. C’est Sarah, la fille d’Adolfo qui prend le soin de la poser.

 

 

 

 

 

 

 

 

Mais quelques jours plus tard, les plaques de Pauline et d’Adolfo disparaissent. Tout ce travail  pour rien !  Des  heures  de  travail  gâchées,  quelle déception !  Comment expliquer cela ? Acte antisémite ? Vol ? La question Algérienne qui resurgit ?… Beaucoup de questions sans réponse. Mais, peu de temps après, les deux plaques sont retrouvées et cette fois ci, fixées de façon à ce qu’elles tiennent sur le long terme. Leur disparition était en fait sans doute causée par leur mauvaise adhérence au sol.

Notre après-midi se termine autour d’un verre de l’amitié, réunissant les principaux protagonistes de cette journée. Nous faisons à cette occasion la rencontre d’un professeur américain ayant parlé de ce projet à ses élèves. On peut alors dire qu’il a un rayonnement international !

1. Un reportage a été réalisé par Pierre-Marie Puaud et diffusé lors d’une émission consacrée à l’histoire de la Résistance en Basse-Normandie le 26 avril 2014 : « Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire ».

Chloé BUISSON et Lucas SIMON